L'ivresse de la jeunesse. [Sweet Idylle]

Tu te tapissais sous quelques feuilles, puis tu avançais, à pas-de-souris. Tu venais d'échapper de justesse à, ce qui paraît,être l'heure de chasse des loups. Tu te cognas brutalement contre un mur. Tu souffrais, mais rien ne le montrait physiquement.


Tu n'y voyais rien. C'était quoi ça ? Une église ? Non. Tu avais beau plisser les yeux, tu ne vis que le brouillard, car oui, il y avait du brouillard. J'étais assise, non loin de toi, te surveillant. Tu avais besoin d'un minimum de liberté pour m'obéir. C'est comme si je promenais un chien avec sa laisse.

Il y avait quelqu'un d'autre, en ces lieux sacrés. Je pouvais clairement voir sa silhouette intouchable. A ton tour, tu le remarquas. Manquant cruellement de sérieux, tu lui lanças :


Tu t'attendais à une réponse, mais ce fut un murmure qui te répondit.

Il fit un pas, parfaitement silencieux, car cette "Ombre Blanche" ne touchait pas le sol. Et il ne répondit pas, il n'en jugeait pas l'utilité.
Il s'immobilisa devant la licorne, silhouette irréelle qui hantait ce monde. Et il lui fallu un certain temps pour qu'enfin il dise, d'une voix assez faible :

- Qui es-tu ?

Sa voix, comme d'habitude, résonnait dans le brouillard tandis qu'il était impossible de deviner sa source.

Un fantôme...?

Tu pris d'abord un temps pour l'observer, pour enfin relever la tête.
Cette Chose avait une voix faible qui se confondait avec le vent. N'ayant rien entendus, tu lui répétas :

Pardon ? Vous aviez dit quoi ?

C'est quand même difficile de communiquer avec des fantômes. Ils sont pâlichons, dépressifs et ennuyants. C'est ça leurs tabous. Ils n'ont plus de vie, ce ne sont plus que des âmes alcooliques qui ne pensent qu'à se plaindre.

Je déchiffrais encore ce qu'il venait de dire pour conclure à la phrase suivante : 'Qui es-tu ?' . Cette information te parvient à ton cerveau.

Je suis une licorne. Vous...Etes un fantôme...? Cool !

Cool. Il n'était même plus sur de savoir ce que signifiait ce mot. Pour les morts, de toute façon, il n'y a pas de différence entre triste et joyeux, entre cool et nul. On ne vit plus. On est qu'une silhouette qui erre sans but.
Il se confondait avec la brume de laquelle il semblait être fait. Et sa voix grave et résonnante, se mélangeant dans le vent avait l'air de venir du vent lui même.

- Oui.

Cela commençait à sérieusement à t'agacer. Comment discuter avec quelqu'un que tu ne comprends pas ? Pendant un moment, il semblait réfléchir sur la signification de tes paroles. Il était un fantôme, et ça, depuis longtemps.

Tu te souvins alors d'une histoire que je t'avais racontée. C'était sur un fantôme qui hantait l'endroit où était morte sa fille aînée.


Tu voulais toujours savoir plus que tes propres connaissances, même si cela défie ta réalité. Pour ta rencontre, cela devait être une question bizarre, peut-être non travailler dans son existence, dans sa nouvelle forme.

- Ou voudrais-tu que j'aille ? répondit-il simplement.

C'est vrai que... que faisait-il depuis qu'il était mort ? Il errait, et parfois, quand l''envie lui prenait, il allait terroriser des troupeaux ou tuer quelques personnes qu'il croisait, pour rendre l'existence moins morose...

- Curieux personnage...

Rester sur place rouillait tes articulations. Tu entamas un trot sur place. Quand tu seras morte, vas-tu finir comme lui ? De toute façon, tu ne mourras pas, pas avec ma présence. Depuis le début, tu l'assiégeais de tes questions et lui, il se contentait de te répondre la plus banale de toutes les phrases.

- Vous êtes un spectre ?

Tu n'aimes pas les spectres, ils hantaient ton enfance, avant que je ne les chasse. D'une part, je suis un spectre, je te possède et pas toujours pour une bonne raison. Relevant ainsi ta mine sérieuse, tu secouas brièvement la tête.

- Et puis, vous êtes un gentil fantôme ?

Tu étais un peu naïve, mais tu restais sur terre. Tu n'es pas un pégase mais une moyenne licorne narcissique et instable.

Il aurai levé les yeux au ciel - mais il n'avais pas vraiment d'yeux.

- Mmh, ça dépend de ce qui est "gentil" pour toi.

Lui, on pouvait dire qu'il était méchant... ou non.

- Etre gentil, c'est faire le bien autour de soi !

Je repris la parole, notant qu'il manquait une question.

- Mais vous. Quel est votre nom ?

- Je suis une grande fille! Je peux tout faire de moi-même !
- Mais pas sans moi.

Je te souris. Un peu découragée, tu me laissas faire.

- Mais tu me le rends, ok ?
- Ne t'inquiète pas, Sweeney.

Je fixais cette fois-ci le fantôme, décidait à avoir ma réponse.

Il était loin de faire le bien autour de lui, bien loin. Mais pour lui, il n'y avait plus tellement de notion de bien et de mal...

- White Shadow.

Un nom peut être stupide, mais c'est comme ça que l'on l'appelle lorsque on le voit.