J'essaye de changer la formalité et tout ce qui y touche

Hildegard von Blingin’ se sent apaisée.
C’est un sentiment étrange qui bat en son sein. Quelque chose qu’elle n’a pas ressenti depuis ... des mois ? Des années ? La licorne grise est incapable de se rappeler la dernière fois que cela lui est arrivé.
Devant son regard s'étend un champ de fleurs en plein hiver, se propageant le long d’une rivière, bercée par les bras de la forêt qui a si bien accueilli Hildegard ces dernières semaines. Elle sait que non loin de là se trouvent les ruines où elle songe à s’installer. De l’autre côté de la forêt se trouve un immense volcan. Et devant elle, de l’autre côté de la rivière, la forêt continue inlassablement.
Cela fait désormais un mois et demi qu’elle a quitté le groupe au Temple et, malgré la présence occasionnelle de prédateurs, Hildegard profite d’un calme des plus paisibles. Elle a eu quelques échauffourées, certes (les prédateurs en hiver ne sont pas des plus calmes avec une jument isolée), mais rien qui ne puissent lui dire que ce n’est pas ici qu’elle veut s’installer.
La grande licorne grise se plaît bien ici.

Hildegard inspire profondément et finit de natter sa queue, attachant ce qui passe pour un cordage afin de ne pas mouiller ses crins dans l’eau.
Elle a passé plusieurs jours à tresser les tiges de diverses fleurs. Le résultat est amateur, irrégulier et dégoûte presque la licorne, mais ce sont des cordes suffisamment solides pour maintenir ses crins et c’est tout ce qui compte. Elle a bien entendu un surplus de ces cordages : idéalement, pour une utilisation ultérieure car on a jamais suffisamment de cordage, mais au vu de la qualité du travail d’Hildegard les cordages qu’elle a réalisés se briseront trop rapidement à son goût et c’est pour cela qu’elle en a fait d’avance.
Elle ne sait pas encore si elle trouvera un jour quelqu’un qui sait tresser des fibres entre elles, ni traiter correctement des fibres végétales, mais faute de grive, Hildegard est fière de ce qu’elle a réalisé.
C’est déjà une véritable mine d’or que d’avoir trouvé des plantes si vivaces en plein hiver ! Hildegard ne pouvait qu’en profiter.

Après avoir longé la rivière, Hildegard von Blingin’ trouve une berge suffisamment douce pour la laisser entrer dans l’eau et fouiller le lit de la rivière.
“ Que la chasse commence. “ murmure-t-elle, le menton au ras de l’eau.
Ce n’est pas la partie la plus glamour ou impressionnante de la bijouterie que de crapahuter des heures durant dans une eau glaciale pour tenter de ramasser de jolies pierres en espérant trouver une ou deux pierres semi-précieuses, mais il démange à Hildegard de trouver de quoi travailler quelques perles. Son âme a besoin de quelques pierres ou gemmes à polir et à observer autres que les gemmes incrustées dans ses poils.
Après avoir passé plusieurs semaines à tourner dans la forêt et observer les couches géologiques des environs, Hildegard espère trouver du jaspe, de l’agate ou du quartz parmi le basalte, le granite et autres pierres inutiles. Et si elle a de la chance, peut-être mettra-t-elle le sabot sur de la turquoise, du jade ou du grenat, même si elle doute d’en trouver dès son premier jour de recherche. De la tourmaline serait plus facilement trouvable.

Plusieurs heures après son entrée dans l’eau, Hildegard von Blingin’ tremble de froid et ses yeux lui piquent. Ses dents claquent, mais sa sacoche est alourdie.
Bien qu’ayant passé la plupart de son temps à tourner et retourner du schiste, elle n’a trouvé aucune pierre avec des inclusions de pierres précieuses. Cependant, parmi tout le gravier du lit de la rivière, Hildegard a trouvé avec bonheur plusieurs pierres de jaspe, la plupart rouges, mais certaines tirants vers le brun ou le jaune. Aucune n’est de qualité parfaite : elles ne sont ni uniformes en couleurs, ni en forme, mais Hildegard voit déjà comment les travailler en perle pour les rendre intéressantes en bijoux de crins. Elle a notamment trouvé un jaspe jaune qui lui donne envie d’une perle pour Bloom et cette trouvaille la remplit d’une joie immense. Elle est également heureuse d’avoir trouvé quelques agates grises.
Si Hildegard von Blingin’ n’avait pas la sensation d’être devenue un bloc de glace vivant, elle serait sans doute plus extatique.

Grelottante, la licorne grise sort de l’eau sur des membres vacillants. Le soleil du midi hivernal qui frappe pourtant sur son dos ne la réchauffe pas d’un iota.
Focalisée sur sa tâche, Hildegard n’inspecte que sommairement les bords de la rivière sur laquelle elle est montée avant de détacher ses crins, ranger ses liens dans sa sacoche et vérifier toutes les fermetures de ses chaînes et de sa sacoche.
Ceci fait, elle s’ébroue longuement, chassant autant qu’elle le peut les dernières gouttes s’accrochant au poil de ses membres et cligne des yeux pour tenter de ne plus voir trouble.

Fatiguée, gelée, mais contente de sa matinée.
Voilà Hildegard qui traverse en partie la prairie fleurie pour finalement trouver un coin de verdure où brouter.
Sa psychokinésie et son énergie est faibles, pour ne pas dire presque disparue.
Mais elle a des outils (vulgaires, mais existants) et maintenant, des pierres.
Peut-être qu’il est temps d’aller fouiller et s’installer dans les ruines, maintenant. Peut-être consacrer un peu de temps à faire de la poterie.
Hildegard grimace à l’idée de travailler la glaise, même avec sa psychokinésie cela répugne la jument. Mais il lui faudra bien faire des récipients et moules un jour ou l’autre. Elle sait d’avance qu’en plus d’être un travail qu’elle abhorre, que le résultat sera décevant : Hildegard s’y connait en bijouterie et en forge, certainement pas en travail de la terre.

Hildegard lève les yeux vers le ciel gris hivernal, le fusillant futilement de son regard cristallin comme si cela pouvait le forcer à faire briller plus fortement le soleil et l’aider à la réchauffer. Elle est désormais partiellement sèche après avoir pris le temps de se remplir quelque peu l’estomac, mais elle grelotte encore, les frémissements de sa peau faisant tinter ses chaînes et certains des cristaux la recouvrant.
Hilde’ est très tentée de raser une partie de la végétation et de lancer un bon grand feu de joie. Outre le fait que cela la réchaufferait, cela lui donnerait une excuse pour durcir ses pieux et faire du charbon de bois.
Si l’envie est très envoutante (Hildegard tuerait pour un peu de chaleur en ce moment précis), la réalité est qu’elle ne le fera pas : elle n’a pas vraiment envie que le feu lui échappe et consume la plaine et sa forêt attenante. C’est au moins une douce idée qui lui revigore le cœur à défaut de la réchauffer.

Un bruit lui fait baisser vivement le regard, sursautant presque et instinctivement, la licorne plaque sa queue contre sa croupe et, oreilles tournées vers l’arrière, fusille du regard. Devant elle, il n’y a pourtant que l’immensité du champ de fleurs.
“ Plait il ... ? “ demande-t-elle incertaine, son regard sautant d’un endroit à un autre, sans arriver à se fixer sur quoi que cela.
Hildegard von Blingin’ est persuadée d’avoir entendu une voix. Elle est donc désagréablement surprise de ne voir personne autour d'elle et elle se redresse de toute sa hauteur, le regard aussi haut que sa grande encolure lui permet.
Quelque chose ou quelqu’un est ici. Hildegard ne contemple même pas de près ou de loin l’idée qu’elle ait entendu quelque chose n’existant pas. Énervée, sa queue fouette l’air alors qu’elle tourne du regard autour d’elle et que ses naseaux se dilatent pour ...
Là.
Dans l’air, il y a une odeur de cheval marin. Une odeur qui lui rappelle désagréablement les jours où Cassandra allait nager. Cela confirme qu’il y a une présence avec elle, même si elle ne la discerne pas.

Hildegard von Blingin’ se considère comme étant une jument très terre-à-terre, capable de beaucoup de raisons et d’analyser rapidement une situation à son avantage. Mais entre les démons et les fleurs qui dansent dans le vent de façon étrange, il semblerait que ce nouveau monde veuille la faire passer pour une ignorante. Hildegard fusille du regard la poignée de fleurs qui s’agitent et sent son adrénaline montée, entre décontenancement et alerte.
Ce nouveau monde, si différent du sien, l’énerve très franchement à force d’aller de surprise en surprise.
La seule chose profondément bénéfique qu’elle lui trouve, c’est sa totale absence de Cassandra.

Ses oreilles se pointent vers l’origine d’une voix relativement masculine.
“ Il va vous falloir articuler très cher si vous voulez que je vous comprenne. “ crache-t-elle âprement, déjà agacée de ne pouvoir voir à qui elle s’adresse. Au-delà des fleurs, elle semble discerner des yeux. Mais des yeux de reptiles qui flottent. Pas des yeux d’un équidé, malgré l’odeur. Hildegard n’aime pas cela et, sur les nerfs, s'attend à devoir décamper au moindre signe d’agression, même subtile. Même si elle était d’une humeur à l’affrontement, ne pas voir à qui elle s’adresse ne lui semble pas du tout un excellent point, surtout qu’après une mâtinée à crapahuter dans la rivière, Hilde’ est fatiguée et inapte à se défendre.

Est-ce que l’inconnu vient de soupirer ?! Alors que c’est lui qui est incapable de communiquer correctement ?! Il ne manque pas de toupet !
Hildegard von Blingin’ observe les fleurs tomber au sol, rejoignant leurs consoeurs encore plantées dans le sol dans un vacillement incertain. Et voilà que tombe sa dernière chance de pouvoir localiser sans soucis l’inconnu.
Hildegard fait ronfler ses naseaux en soufflant, se forçant à respirer et à se calmer. S’énerver ne servirait à rien quand en face l’inconnu s’excuse platement et solidement, tout en ayant l’air d’être totalement dépassé par la situation. Pour avoir vécu la même quelques semaines auparavant, la licorne grise ne peut s’empêcher de ressentir une pointe de sympathie.

Un kelpie hein ? Ça explique l’odeur, cumulée au fait que l’étalon revient de l’océan. C’est une race que Hilde connaît, au moins de noms. Ce sont des métamorphes, non ? Capable de manger de la viande ? Hildegard tente de garder dans son champ de vision l’invisible. Peut-être est-il timide et peu enclin à l’attaquer de front, mais sait-on jamais.
J’aurais été plus tranquille si je pouvais le discerner, songe-t-elle avant de répondre relativement poliment.
“ Des alentours du volcan Humairaa. “
Elle espère que citer clairement le nom d’où elle habitait lui fera reconnaître l’endroit, parce que s’il y a un faible espoir qu’il vient de son monde d’origine Hildegard veut le savoir, mais elle ne se berce pas d’illusions : il y a très peu de chance qu’il reconnaisse quoi que ce soit.
“ Ce sont des bijoux. “ explique-t-elle plus patiemment, toujours ravie qu’elle est de faire reconnaître son travail. “ Du cuir, de l’argent et de magnifiques pierres précieuses, finement travaillée et mit en valeur pour décorer mon admirable physique. Voyez la finesse de ces chaînes. “
Hildegard tend délicatement son antérieur gauche pour présenter fièrement son travail, des bracelets incrustés de fine pierre qui mettent en valeur la finesse de son membre, mais aussi des chaines d’argent et de fer noir qui scintille encore de leur baignade récente. Hildegard von Blingin’ est fière de pouvoir présenter de si solide et fin maillon, certainement qu’elle a dépassé son géniteur désormais ! Entre cela et l’imitation de dentelle autour de sa corne et sur son collier, ainsi que la taille presque parfaite de l’énorme pierre précieuse autour de son encolure qui déforme la lumière du soleil, Hildegard est au sommet de son orgueil. Mais ce n’était pas ça la question de l’étalon : il ne voulait pas la voir se pavaner, mais savoir d’où elle venait et savoir ce qui s’était passé sur la terre ferme. Ainsi Hildegard repose son antérieur après avoir laissé un temps suffisant à l’étalon de l’admirer.
“ Un cataclysme. Personne ne semble sûr, de ce que j’ai compris plusieurs mondes différents ont été frappés par une brume étrange qui a tué bon nombre de chevaux, mais certains ont survécu et se sont retrouvés ici sur ce territoire. Je ne viens pas de ce monde, donc je ne saurais dire s’il a changé, mais quelqu’un que j’ai rencontré semble penser qu’il s’agit de son territoire d’origine, mais différent. Il a reconnu des ruines ainsi qu’un temple. La situation me dépasse un peu, je ne saurais expliquer plus que cela. “ conclu-t-elle.
Éternelle insatisfaite, Hildegard von Blingin’ aimerait en savoir plus et pouvoir en expliquer plus, mais elle sait également qu’en savoir plus ne changera en rien la situation. Ainsi, elle juge qu’elle en sait juste assez pour pouvoir se débrouiller seule et elle ne compte pas vraiment tenter d’en savoir plus. Si elle croise quelqu’un qui sait ce qu’il s’est passé, bien sûr qu’elle demandera des explications, mais en attendant, elle préfère se concentrer sur son atelier. Ne pas savoir l’irrite un tantinet, mais pas assez pour qu’elle mette sa vie en pause pour cela.
Elle a survécu, elle a un atelier à reconstruire. Cela lui suffit amplement.

Il y a un léger silence après qu’Hildegard ait fini son explication. L’étalon est-il en train de digérer la nouvelle ou est-il parti ? La licorne n’est pas sûre et dans son incertitude, tressaille quand l’étalon prend la parole pour cajoler son égo. Une idée de génie ! Bien sûr que les bijoux sont du génie ! Du génie d’Hildegard von Blingin’ ! Et peut-être des membres de sa famille qui lui ont appris, mais d’Hildegard von Blingin’ avant tout.
Presque impassible, la licorne ne peut s'empêcher d’afficher un air contenté. Encore quelqu’un qui approuve de son art ! Il y a du bon à être entouré de chevaux qui n’ont jamais vu de travail de forge ou de bijouterie ! Si seulement elle avait d’ores et déjà son atelier pour les émerveiller de créations plus diverses que ses propres merveilles !
Hélas ...
“ Je les ai fabriquées de mes propres sabots. “ annonce-t-elle fièrement en redressant fièrement le menton.
C’est surtout le fait qu’il mentionne en vouloir qui attise sa curiosité et la fait glisser un regard sur ses yeux et ce qu’elle imagine être le contour de sa silhouette. Pas qu’elle le voit, mais l’idée qu’il a d’avoir des bijoux pour être mieux perçu ... C’est une idée qui a du mérite. Et c’est un challenge plus qu’intéressant aux yeux d’Hildegard von Blingin’. Quand elle crée, elle garde sans cesse en mémoire l’équidé pour qui elle travaille, parce qu’un bijou gagne sa véritable valeur s’il met en avant le plus beau du physique de saon possesseur. Un bijou, aussi délicat fut-il n’est qu’un accessoire charmant s’il ne met personne en beauté.
“ Hum. “ vocalise Hildegard en penchant la tête sur le problème.
Quels accessoires ou bijoux pour mettre en visibilité un cheval que l’on ne voit pas ? La réponse évidente serait un harnais, pour mettre en valeur les formes et contours de l’étalon. Évident, mais aussi grossier. Et pour un cheval vivant principalement dans l’eau, encombrant et peu idéale. Il y a uniquement les yeux qui ressortent. Et après tout, a-t-on véritablement besoin de savoir où est la croupe si l’on sait où est la tête ? Huumm ...
Hildegard secoue une oreille distraite. Toute focalisée qu’elle est sur le problème, elle n’a pas fini de répondre à l’étalon.
“ Ara. L’étalon qui a reconnu les ruines et le temple s'appelle Ara. Un pyrocorne bai cerise, avec une simple liste, deux balzanes aux postérieurs, plus petit que moi. Agaçant, mais connait plein de choses. “ résume-t-elle vaguement, son attention étant encore principalement sur le défi que représente le fait de concevoir des bijoux pour un kelpie invisible.
“ Je m’appelle Hildegard von Blingin’, enchantée. Puis-je vous toucher ? “ demande-t-elle fermement.
Non, Hildegard n’est pas en train de chercher à draguer de façon incorrecte l’étalon invisible. Elle est juste en train de chercher à déterminer la corpulence et le physique exact de l’étalon. Si elle lui conçoit des bijoux, elle veut que cela soit esthétiquement parfait pour lui en plus d’être un accessoire à sa visibilité et pour cela, elle a besoin d’une idée plus précise d’à quoi il ressemble.
Et Hildegard n’est pas si inadéquate socialement : elle s’est présentée avant de demander la permission de le triturer !

Nom d’une algue ? s’amuse internement Hildegard qui n’avait jamais entendu cette expression et se demande si c’est commun aux chevaux marins du coin. Pas qu’elle s’intéresse aux chevaux marins, c’est juste une curiosité curieuse. En tout cas, Hildegard ne cache même pas son sourire en entendant confirmation qu’Ara n’agace pas qu’elle. Ceci dit, il est bon d’entendre confirmation par quelqu’un d’autre que le concerné qu’il est bon en combat. Hildegard von Blingin’ ne craignait que ce ne soit que de la vantardise. Peut-être que la vantardise du pyrocorne n’est pas que du vent, finalement, même si Hildegard attend de le voir en action avant de confirmer cela.

La licorne grise roule des yeux vers le ciel en écoutant la réponse balbutiante de l’étalon qui ne se présente même pas en retour. Heureusement qu’elle n’a pas besoin de son nom pour travailler ! Ou du moins, pour se faire une idée plus concrète de ce qu’elle peut faire.
Au moins, il n’a pas refusé son aide ! Même s’il ne se doute pas qu’elle propose en réalité de l’aider. M’enfin, c’est évident pourtant !

Télégraphiant ses mouvements, Hildegard von Blingin’ s’approche de l’étalon pour s’arrêter à quelques centimètres de lui et étend doucement son encolure. Si l’étalon le désire, il peut reculer pour l’empêcher de l’explorer plus, même si Hildegard compte bien garder les contacts entre elleux respectables. Enfin, aussi respectable qu’elle puisse le faire.
“ Attention les yeux. “ annonce-t-elle tranquillement avant de toucher du bout du nez son chanfrein entre les yeux de l'étalon. Ce n’est pas qu’elle compte aller lui toucher les mirettes, mais elle ne voit que ça et s’il cligne des yeux, elle ne les voit plus ! Il ne manquerait plus qu’elle lui mette le bout du nez dans l’œil.
La première chose qui la marque est que contrairement à Cassandra, l’étalon est lisse. Oh, ce n’est pas une peau de cheval, sans poil, non, il y a bien des écailles, mais elles sont fines et délicates, douces au toucher. C’est une agréable surprise pour Hilde’ qui s’attendait à devoir masquer son dégoût face à des écailles. Remontant vers le front, la licorne grise sursaute et recule de quelques centimètres, grimaçante.
“ Je m’attendais pas à ça. Ce sont ... des algues ? “ demande-t-elle avant de retourner trifouiller du nez dans ce qui constitue le toupet de l’étalon. Ce n’est pas gluant, mais clairement, ce sont des algues encore bien humides. Pas du tout ce à quoi pouvait s’attendre Hildegard, mais la présence d’une crinière signifie un endroit où accrocher des pierres. Les oreilles sont des oreilles de cheval. Il y a bel et bien quelque chose à faire avec ce haut de tête. Un genre de couronne de coquillage ? Non, bien trop banale pour un cheval marin.
Hildegard fait un pas en avant pour aller fouiller du nez dans la crinière d’algue. Elle est fournie. Les algues sont épaisses, mais des idées de bijoux fusent dans la tête d’Hildegard qui catalogue les bonnes idées, jettent les idées qui lui semble idiotes ou inadaptées et qui continue son exploration. L’encolure est longue, plus longue que l’encolure de la licorne qui considère déjà l’avoir longue.
“ Un avis sur les piercings ? “ demande-t-elle en coulant son bout du nez le long d’une épaule fort musclée. Oh, Hildegard donnerait beaucoup pour pouvoir apercevoir correctement les formes de l’étalon ! Le poitrail est très ample, excellente respiration, se demande Hildegard abstraitement.
“ Les piercings se sont des bijoux que l’on place dans un perçage fait dans de la peau ou du cartilage. “ explique-t-elle en explorant une cage thoracique bien développée.

Hildegard von Blingin’ se redresse et recule d’un pas, hochant positivement la tête. Oui, son image mentale de l’étalon est suffisamment claire maintenant pour avoir une idée plus claire de son physique. Des idées fusent en tous sens. Beaucoup ne sont malheureusement pas réalisables : elle ne peut faire fondre et mouler de métal. Mais certaines idées ont du mérite ...
Et il y a aussi l’idée très incongrue de lui faire une cloche en collier.
Idée très amusante, mais aussitôt imaginée, aussitôt jetée.
Il y a des pierres volcaniques dans l’eau. Noire, simple à travailler et, pour des pierres, légères. Idéale pour un nageur et à travailler sans trop de matériel.
Et peut-être que si elle demande gentiment, l’étalon voudra bien l’aider à trouver des pierres de jaspe jaune ? Elle ne veut pas sacrifier la seule bien jaune qu’elle a et qu’elle réserve à Bloom, mais l’occasion de placer du jaune dans les crins de l’étalon pour aller avec ses yeux est trop tentante.
“ J’ai une idée de bijoux de crins et d’une coiffure pour aller avec. J’aurais bien travaillé de l’or pour te faire une parure de bijoux complexe, mais je n’ai pas les matériaux ou le matériel pour. Mais je peux, si tu me laisses un peu de temps et si tu m’aides un peu, te confectionner de quoi te rendre plus visible. Je peux te montrer ce que j’ai en tête en dessinant avec un bâton sur les berges de la rivière ? “ propose-t-elle.
C’est une méthode bien primitive pour dessiner, mais Hildegard n’a ni craie ni pierre suffisamment grande et lisse.

Morenne, hein ? Amas de roches érodé et transporté par glacier ou nappe de glace. Il n’y a pas aussi un poisson qui ressemble à un serpent avec un nom dans ce goût-là ? Dans tous les cas, aussi étrange que cela puisse paraître, Hildegard trouve que c’est un nom qui lui va bien.
“ Enchanté Morenne. “ le rassure-t-elle. Elle est juste contente de pouvoir mettre un nom sur une image dans sa tête et qu’il s’excuse. Il gagnerait à avoir un peu plus de confiance en lui, mais en attendant, cela suffit pour qu’Hildegard supporte ses balbutiements.
“ Je suis une licorne bien terrestre, mais de mon avis, il y a des utilités à être un cheval marin. Ne serait-ce que pour trouver des matériaux qu’on ne trouve pas sur la terre ferme. Les perles d’huîtres sont magnifiques par exemple, mais ce n’est pas un cheval terrestre qui en trouvera de sitôt. Ou des abalones. “ bave presque Hildegard qui n’a mis qu’une fois la main sur une coquille d’abalones intacte lors de trocs et rêve intensément de pouvoir un jour s’en faire une parure ressemblant à une nuit étoilée. “ Il y a aussi des coraux avec des couleurs fantastiques, même si c’est rare d’en trouver des déjà brisé d’après le peu que j’en sais. Je sais qu’il y a aussi des quartz avec de superbes couleurs bleutées dans l’eau, plus commun que sur terre. Sans oublier les coquillages. Il y a plein de matériaux précieux dans l’eau pour quiconque sait regarder. “
Non, Hildegard von Blingin’ n’est certainement pas une créature de l’eau. Elle n’aime pas spécifiquement être mouillée, elle doit tenir ça de son pyrokinesis de père, mais en petite-fille d’une geokinesis et ancienne compagne d’une jument marine, elle a accumulé en ces quinze ans d'existence un certain respect pour l’océan et de manière générale pour la géologie aquatique et toutes les diverses merveilles que l’on peut trouver dans l’eau pour quiconque sait chercher. Il y a aussi qu’il est plus facile de miner pour une licorne solitaire dans les lits de cours d’eau, là où la roche est déjà friable ou a déjà commencé à rouler les pierres semi-précieuses.
Non, le savoir d’Hildegard ne l’aidera jamais à plonger sous l’eau ni à vouloir vivre près de la mer, mais elle possède une certaine forme d’amour pour les rivières et l'élément eau. Ne serait-ce que pour son aide précieuse pour refroidir rapidement les métaux ou éteindre un feu en cas de débordement.

Hildegard est un peu déçue de l’avis sur les piercings de Morenne.
Elle lui aurait bien fait des perles d’oreilles ou boucles plus classiques, voire des barres industrielles. Les oreilles sont après tout un énorme moyen de communication et Hildegard se voyait déjà l’aider à les rendre visibles, mais elle peut comprendre le désire de ne pas vouloir ressembler à un démon. La licorne accepte d’autant plus ce refus de se faire percer vis-à-vis de la douleur. C’est dommage, parce qu’esthétiquement, elle l’aurait bien vu avec des bijoux dans les oreilles, mais Hildegard également a toujours jusque-là refusé de se faire percer et elle respecte cette opinion.
“ Cela dépend de la façon de percer. De mon expérience, les piercings dans le cartilage des oreilles n’est douloureux que sur le coup, ça l’est moins que des piercings de surfaces près d’os. Dans tous les cas, je n’ai personne pour opérer et soigner le piercing, c’était juste une question pour savoir. “ explique-t-elle avant de soupirer. Car si Hildegard apprécie les piercings sur autrui, elle n’est pas du tout apte ou compétente à les y placer elle-même. Percer est un acte chirurgical qui demande une précision et des connaissances qu’elle n’a pas et c’est sans compter la surveillance et les soins demandés par après. Elle se souvient bien des diverses opérations pour les piercings de Cassandra, mais ce ne sont pas des connaissances suffisantes pour se sentir désormais capables de percer qui que ce soit.
Même si Hildegard regrette cet état de fait.

La réponse très enthousiasme de l’étalon fait plaisir à Hildegard qui esquisse un sourire en coin. Elle est ravie d’avoir un client ! Son premier sur ce territoire !
“ Allons-y. “ dit-elle avant de s’éloigner au pas vers la rivière.
La tête haute, elle recherche un bâton, mais sans trop de surprise, elle n’en trouve pas dans ce coin de prairie. Ielles sont juste suffisamment loin de la forêt pour que ce ne soit pas commun. Heureusement, Hildegard possède des pieux dans sa sacoche. Certes, des pieux plus adaptés à la fente de roche, mais cela reste un bâton pointu dans sa forme la plus primitive.
Arrivée en bordure de rivière, Hildegard prend quelques minutes avant de trouver une berge sans trop d’herbe et pas trop boueuse, avec de la terre juste assez humide et sans trop de caillou pour qu’elle puisse dessiner.
S’aidant de sa psychokinésie, elle sort un pieu en bois de sa sacoche autour de son encolure et baisse le regard vers le sol. Elle aurait bien jeté un regard vers Morenne pour s’assurer de sa présence, mais elle doute de le voir.
“ Ce que j’ai en tête ... “ commence-t-elle en dessinant grossièrement une silhouette de tête et d’encolure, ajoutant un œil et une oreille pour la forme.
“ Pour le toupet, je ne vois pas que faire sans que cela n'alourdisse tes tempes, donc on laisse comme ça, au moins pour le moment. On fait ensuite des torsades sur la moitié haute de l’encolure. Des tresses à deux brins si tu préfères. Tes algues sont épaisses, si on en fait des tresses à trois brins ou plus cela déformerait visuellement ton encolure et paraîtrait trop lourd. On glisse autant de pierres taillées que l’on peut esthétiquement dans ses tresses. Les formes et placements dépendront de ce que l’on trouve. J’aimerais mettre le sabot sur quelques grosses pierres de lave, ce sont des pierres noires. Des perles de jaspe jaune pour mettre en valeur tes yeux. Si on trouve d’autres pierres jaunes ce serait idéal, mais je ne sais pas ce qu’il se cache en dehors des berges d’ici, mais au moins les jaspes jaunes sont une source relativement sûre dans le coin. Après, si dans le futur on trouve d’autres pierres, rien n’empêche de les remplacer. Comme je disais, je te ferais bien des bijoux de crins en or, un jour, quand je pourrais, quand j’en aurais. Bref, tes tresses, on en laisse une de chaque côté du visage de façon à encadrer ton regard, avec des perles placées de façon à ce que quand tu bouges cela ne te frappe pas les yeux, mais de façon à faciliter ta visibilité. Le reste des tresses, on les remonte de façon à ce qu’elles ne soient pas libres et ne t’empêche pas dans ta mobilité. Il y a un équilibre à trouver entre suffisamment de bijoux pour te rendre visible et trop de bijoux qui te rendraient prétentieux, mais je pense que c’est un plan qui se tient. “
Hildegard von Blingin’ observe une nouvelle fois son dessin, avant d’hocher positivement la tête. Oui, c’est un projet qui lui semble réalisable sans trop d’accrocs.
Reste à savoir si cela convient pour Morenne.

Joli, mais pas aux goûts de Morenne ?
“ Humm ... “ vocalise-t-elle avant de se taire quelques instants, observant à nouveau son image mentale de l’étalon. “ Dommage, j’aimais cette idée. Mais le plus important c’est ton confort. Peut-être ... Hum ... “
Hildegard utilise le flanc de son pieu pour effacer la crinière de son dessin. Elle n’en a plus besoin et elle d’autres idées à présenter à Morenne. Hilde’ continue de penser que sa première idée était la bonne, mais si cela ne convient pas à l’étalon elle est prête à réviser son jugement jusqu’à trouver l’idée qui leur convienne tous les deux. Ce qui la limite n’est clairement pas un manque d’imagination ou de connaissances techniques : c’est plutôt le manque flagrant de matériel et de lieux pour travailler.
Le travail de l’or n’est pas possible sans pépite, ni moule, ni forge.
De même pour faire des chaînes.
La licorne se maudit intérieurement de ne pas travailler à la re-création de son atelier plus rapidement parce qu’elle trépigne intérieurement de créer de fines chaînes d’or pour en couvrir l’étalon (sans compter toutes les créations qu’elle a en tête pour Bloom, Fall et Lully, Hildegard est avant tout une créatrice et voir son génie ainsi limité est frustrant).
Après avoir tassé à sa convenance la terre, la jument reprend le pieu dans le bon sens pour reprendre son dessin.
“ Peut-être qu’une parure dans ce gout-là te plairait plus ? Pour les liens, je t’aurais bien fait des chaînes en or, hélas je n’ai ni le matériel ni les ressources pour, mais si l’idée te plait, dans le futur on pourrait voir pour le faire. En attendant, je sais grossièrement tresser des plantes. Ce ne sera pas du solide, mais cela pourrait suffire pour quelques mois, selon ce que tu leur infliges. Pour les pierres, si je peux en obtenir une grosse et l’ouvrager correctement pour la mettre sur le chanfrein, je serais ravie. Pour le reste, des perles de jaspe jaune te rendront visible. Selon la quantité que l’on trouve on peut ne faire qu’une parure de front, mais je trouve que montrer la longueur de ton encolure te mettrait en valeur. Enfin, autant en valeur qu’on puisse le faire vu ton ... invisibilité partielle ? Hum ... Il faudrait varier les pierres de jaspes jaunes avec des pierres volcaniques, histoire de ne pas lasser les yeux des gens te regardant. Peut-être quelques rouges ? Plus l’ont met de perles, plus il faudra varier pour ne pas rendre ça trop monotone, mais garder une majorité de jaune et noire. “ réfléchit à haute voix Hildegard avant de se tourner vers Morenne qu’elle pense être à quelques poils d’elle si les frôlements lorsqu’elle respire sont bien de lui et pas une création de son esprit.

“ Pour les piercings aux oreilles, on pourra toujours en reparler quand j’aurais un atelier. Je te ferai bien des barres en or. “ propose-t-elle avant de réfléchir. Un démon avec des anneaux aux oreilles ? Du nom d’Hossem.
“ Ara nous a parlé de deux démons, mais n’a pas donné de nom pour l’un. Hossem c’est un démon doré avec un crâne visible et des griffes à la place des sabots ? “ tente-t-elle. Pas que mettre un nom sur un physique qu’elle s’imagine l’aiderait à grand chose, mais connaître un minimum les démons l’aidera sûrement dans le futur.

” Un machin qui s'agrippe bien comme les mollusques ... ? “ répète la licorne grise qui n’a aucune idée de ce dont parle l’étalon invisible. Déjà, parce que définir un machin est plus qu’abstrait, mais aussi par le fait qu’Hildegard n’a que vaguement l’idée d’à quoi ressemble un mollusque (elle sait beaucoup plus à quoi ressemblent leurs coquilles).
“ Pour mettre quoi que ce soit dans ta queue, si tu ne me laisses pas tresser tes crins, ça va être plus que limité. Et cette parure tiendra, c’est à cela que sert le lien sous la ganache. On peut aussi te faire un banal collier. “ s’agace Hildegard.
Ô, ce n’est pas contre Morenne, mais plus par ce sentiment d'insuffisance qui enserre son cœur. Qu’importe l’idée grandiose qu’elle a et veut présenter à l’étalon, elle se retrouve contrainte par le matériel. C’est un véritable défi qu’elle relève et tant qu’elle n’a pas trouvé de solution satisfaisante (pour elle-même, mais aussi pour l’étalon), Hilde’ pressent qu’elle va être revêche pour quelque temps.

Énervée, Hildegard von Blingin’ efface entièrement son dessin d’un sabot ferré, avant de reprendre son pieu et sa psychokinésie pour remettre à plat le sol avec le flanc du bâton taillé.
“ En bas de l’encolure ... Oui, si par-derrière tu me laisses te percer les oreilles ... Ça peut le faire. “ marmonne-t-elle, ne s’occupant pas vraiment de la réaction presque hystérique de l’étalon : elle a pu mettre un nom sur l’image mentale qu’elle a construit grâce à Ara, cela lui suffit et elle n’a pas vraiment l’envie de le calmer alors qu’il n’a pas de raison de s’agiter ainsi.
“ Emballe pas la jument, j’en sais rien. “ finit-elle par répondre distraitement, une fois sa terre remise à plat. “ Ara me l’a décrit, c’est tout. “
Et même si elle n’était pas préoccupée par son projet du moment, la jument aurait bien été incapable de se rappeler s’il était encore en vie ou non. Il y a des détails de la conversation d’il y a quelque semaine au temple qu’elle a bien mis de côté dans son esprit et d’autres qu’elle a ignoré sitôt le moment passé (le fait qu’Ara n’est pas toujours clair dans ses explications n’aide pas). Hildegard a ses propres priorités.
Comme le fait de dessiner un essai de collier.
“ Une pierre de jaspe jaune taillé en point central qui tombe au-dessus de ton poitrail, deux pierres d’intérêt en dessous et une imitation de chaîne faite en pierre de lave polie et taillée en carré plat. Élégant, te rend visible sans pour autant être tape-à-l’œil. On peut mettre d’autres pierres de ton choix, bien entendu, mais les pierres de lave ont l’avantage d’être légères et à mon sens idéales pour la nage. À mon sens, il faut choisir une pierre jaune pour mettre en valeur tes yeux vu qu’on parle de la seule chose visible de ton anatomie. Si l’on trouve des pierres bleues, pourquoi pas, mais dans le coin ... Je doute qu’on en trouve. “
Si Hildegard aime cette troisième idée, elle est moins convaincue que cela mette en avant l’étalon. Peut-être que couplé à des bijoux d’oreilles cela suffirait, mais la licorne regrette ce manque de moyen technique. Elle a tant de connaissances à offrir ! Être aussi limité que cela l’énerve particulièrement. Heureusement qu’elle ne manque pas d’idée ... Mais est-ce suffisant ?

L’explication des mollusques embrouille plus Hildegard que cela ne répond à ses interrogations, laissant la jument pantoise. Mais au vu de la texture des crins qui ressemblent à s’y méprendre à des algues, elle peut comprendre la confusion pour des créatures moins sapient que les équidés. Quoiqu’elle connait quelques idiot-e-s d’équidés qui auraient confondu de même ...

Ces explications étant faites (à défaut d’être véritablement satisfaisantes), Hildegard se laisse sourire en coin. Ielles ont trouvé une idée qui leur convient à tous les deux ! Cela aura pris quelques vas et viens, mais Morenne n’est pas le client le plus terrible qu’elle ait pu connaître : au moins il sait ce qu’il veut et sait dire en quoi les idées d’Hilde’ ne lui convenaient pas.
Maintenant que l’idée de base est validée reste ... tout le reste de la création. Mais avant la création, il va falloir ... ramasser des pierres. Beaucoup de pierres. Et qu’Hilde’ se confectionne un endroit près de l’eau pour polir et percer les pierres.
La licorne grise hoche la tête positivement avant de graver le croquis dans sa mémoire.
Le regard d’Hildegard von Blingin’ parcourt les bords de la rivière. Elle était tantalisée par la recherche de pierres semi-précieuses tantôt et n’a pas véritablement pris le temps de l’observer. Sauf que maintenant, elle se rend compte qu’elle aurait dû y porter un peu d’attention, ne serait-ce que pour savoir si la rivière passe près des ruines ... Si elle compte s’y installer, aussi temporairement que cela soit, il lui faudrait savoir s’il y a de l’eau courante proche. Parce que ce n’est certainement pas Hildegard qui va détourner une source d’eau ou creuser un puits pour récupérer l’eau de pluie. Quoiqu’elle pourrait faire cette dernière idée avec beaucoup de détermination, mais ... Hildegard grimace. Nope, elle ne travaillera pas la terre. Miner et creuser pour trouver des gemmes, minéraux et pierres, oui, creuser des trous, non.

Ses pensées sont interrompues par l’étalon qui est sans doute l’étalon le plus intelligent du territoire (sauf si Shiro cache son intelligence derrière son silence). Hildegard se tourne pour trouver son regard flottant presque dans l’air et la tête haute, lui répondre.
“ Au temple j’étais dans un troupeau de dix adultes et seule une comprenait quand je parlais de ce que j’avais besoin, mais elle n’avait pas de connaissance en artisanat. “
Et c’est un constat amer, de se penser seule avec des connaissances aussi poussées, sans autres pour l’aider ... Mais Hildegard von Blingin’ est déterminée pour faire de son mieux et éblouir de son savoir le territoire, comme son nom le suggère.
La licorne grise reprend son pieu délaissé au sol avec sa psychokinésie et après l’avoir frotté sommairement contre son sabot pour retirer la terre, le range dans sa sacoche.
“ Dans tous les cas, je suis limité, mais ce n’est qu’une question de temps avant que je me ré-équipe correctement. Je ne sais peut-être pas coudre ou bâtir des bâtiments de pierres, mais je sais miner, faire fondre du métal et créer des bijoux. “ ajoute-elle confiante. “ Ton aide pour rassembler des pierres sera bienvenue, mais je t’aiderais autant que je le peux, ne serait-ce que pour les pierres de laves. Et sans doute des jaspes jaunes. Je n’en ai trouvé qu’une pour le moment et je la garde pour quelqu’un d’autre que toi. “
Hildegard détourne le regard pour observer ce qu’elle pense être la direction de la source de la rivière, à l’opposée de la direction du temple et des ruines. C’est là-bas que Morenne veut aller. Il y a sans doute des merveilles à foison. Mais Hildegard n’est pas une aventurière et même si elle n’a trouvé aucun gisement intéressant jusque-là, elle est relativement à l’aise à naviguer la forêt où elle a atterri et c’est là qu’elle désire s’installer pour le moment.
“ Je vais mettre du temps à faire ton collier, j’ai un deal à te proposer : je te montre à quoi ressemble une pierre de jaspe jaune et une pierre de lave et je te laisse crapahuter dans la rivière pour me les ramener en faisant des allées retours pendant que je fais des pots en terres pour les stocker. En échange, pendant que tu explores la source et tout ce que tu désires, je te fais ton collier. “
Cela lui semble être un échange de bons procédés : Hildegard n’aura pas à se geler dans l’eau et avec de la chance, dans son élément naturel l’étalon trouvera plus rapidement qu’elle n’aurait pu les pierres nécessaires et pendant que l’étalon explore, elle aura le calme nécessaire pour se concentrer à réaliser son collier.
Et les pots ? Hildegard grimace intérieurement parce qu’il lui faudra modeler de la terre humidifiée et que la texture de la terre humide la rebute, mais aussi parce qu’elle sait empiler des boudins de terres, mais elle sait que le résultat final sera ignoble et prompt à casser, sans compter qu’elle devra les cuire et l’idée de faire un feu si près de la nature est ... Disons que ce n’est pas l’idée du siècle, mais il faut bien y passer parce qu’Hildegard ne sait absolument pas coudre ou tresser les plantes pour en faire des simulacres de tissus.
Cela s’annonce une grande aventure ... Si les pots qu’elle réalise n’explosent pas en cuisson.
Hildegard pousse un grand soupir avant de se tourner à nouveau vers l’endroit où elle pense avoir laissé Morenne, même s’il lui faut quelques instants pour trouver ses yeux et attendre sa réponse.

Et comme ça, l’étalon acquiesce et Hildegard ne peut empêcher la fugace idée qu’elle aurait aimé avoir une compagne aussi simple à diriger pour elle-même. Il faut dire qu’Hilde’ s’attendait à devoir marchander un peu plus que ça l’échange de service, mais non, se fut aussi simple que juste proposer !
Les yeux disparaissent et Hildegard sort de son sac un des liens en plantes dont elle se sert pour accrocher sommairement sa queue repliée trois fois sur elle-même grâce à sa psychokinésie. Cela ne tiendra pas longtemps, mais Hildegard ne compte pas rester dans l’eau bien longtemps. Elle sort un second cordage pour faire de même à sa crinière.

Hildegard avance finalement vers la rivière, espérant ne pas entrer en collision avec Morenne qu’elle ne voit plus. Heureusement pour elle, elle arrive à mettre ses sabots dans l’eau toujours aussi glacée que ce matin sans encombre. La licorne grise frémit, les paturons désormais dans l’eau. Elle n’est pas spécialement frileuse, mais de l’eau glacée d’un plein mois d’hiver : presque n’importe qui aurait les membres gelés à son contacte.
Ce n’est pourtant pas ça qui fait baisser les oreilles d’Hildegard, mais plutôt la suggestion de l’étalon d’aller jeter un œil au lac.
“ Si c’est le lac auquel je pense, c’est là que sont partie Ara, Bloom, Fall, Shiro, Lully et les autres dont j’ai aucune idée du nom, non, merci, je suis très bien loin d’elleux. “ s’exaspère-t-elle parce si elle en apprécie quelques unaes, elle est indifférente aux autres et surtout, ne désire pas se retrouver dans un si grand troupeau composé exclusivement d’inconnu-e, non merci.
Et puis, le lac elle ne l’a pas parcouru des semaines durant, elle doute d’y trouver de quoi faire un atelier. Il y aurait peut-être de quoi miner là-bas, mais sans outil de base, Hildegard préfère garder un semblant de pieds à terre dans la forêt près des ruines.
“ Merci de l’idée. “ finit-elle par rajouter, bien après, parce que Morenne ne pouvait pas savoir et que, dans le fond, c’est une attention touchante et que, très secrètement, Hildegard apprécie qu’on se soucie d’elle et cherche à l’aider (aussi maladroit que cela soit).

Il lui faut de longues minutes avant qu’elle ne trouve ce que le nez au bord de l’eau elle cherchait, pataugeant dans l’eau et sorte victorieusement une pierre poreuse, noire et difforme malgré les efforts de l’eau de la rouler correctement.
Hildegard n’attend pas pour ressortir de l’eau et, après avoir posé la pierre de lave sur les bords de la rivière, s’ébrouer longuement, cliquetant en tout sens, faisait tomber le cordage de ses crins qui n’auront pas résisté à ce mouvement (mais Hildegard n’est pas étonné et ramasse sans commentaire au sol les deux cordes pour les ranger dans sa sacoche).
Le nez encore dans sa sacoche, elle en profite pour sortir son unique jaspe jaune et la poser à côté.
“ Morenne ? “ appelle-t-elle d’une voix haute, incertaine de la position de l’étalon. La pierre fut relativement aisée à trouver, la rivière regorge presque de pierre volcanique pour quiconque sait les repérer et Hildegard est donc non loin de l’endroit où elle est entrée dans l’eau, mais ne le voyant pas clairement, elle ne sait pas s’il la suivit ou s’il est resté là où elle pense l’avoir laissé. Sans baisser son ton au cas où, elle continue “ C’est ça qu’il me faut : la pierre noire est une pierre de lave, elles sont très présentes dans cette rivière, tu ne devrais pas trop avoir d’encombre à en trouver. La pierre jaune est une pierre de jaspe, il y en a des plus rouges ou plus vertes, si tu m’en trouves une grosse ça serait idéal, mais sinon, fait de ton mieux : elles sont rares. “

Hildegard a le regard qui s’adoucit, bien que son visage reste figé dans son expression favorite : une expression hautaine et distante, presque inexpressive. L’étalon qui fait clapoter l’eau pour indiquer sa position (non loin d’elle), c’est un geste mignon. Et appréciable, même si Hildegard préfère ignorer sciemment cela. Elle ne sait pas gérer les équidés qui ont l’air gentils, ainsi ignore-t-elle leur gentillesse pour ne pas avoir à y répondre (être gentille n’apporte jamais rien de bon, après tout et c’est un signe de faiblesse).

Hildegard hoche positivement la tête en l’entendant dire qu’il va aller chercher cela.
“ Merci. “ dit-elle en rangeant sa précieuse pierre de jaspe jaune dans sa sacoche pour ne pas la perdre. Quant à la pierre de lave, elle la laisse là pour le moment et en écoutant l’étalon parler de son exploration à venir, Hildegard se frotte le creux d’un paturon contre son chanfrein pour se sécher. Son passage dans l’eau était court, mais elle ne peut empêcher la sensation d’être glacé jusqu’à l’os, malgré le soleil hivernal qui fait doucement scintiller sa robe grise. Hilde’ n’est pas faite pour être dans l’eau et encore moins dans l’eau froide.
“ J’irais peut-être un jour pour y trouver Bloom et Fall. “ confie-t-elle, incertaine. “ Mais j’aimerais être installée avant d’aller voir si Fall veut apprendre la forge ou la bijouterie. C’est encore un poulain, j’ai le temps. “
Ce n’est qu’une idée, presque risible (Hildegard, prendre unae apprenti-e ?), mais Fall est ... Il apprécie son art, il a l’air de s’y intéresser sincèrement et une part d’Hildegard veut partager cette passion et pas seulement faire admirer son art à des clients. Hilde’ elle-même n’est pas convaincue du bien-fondé de cette idée, mais ... Elle veut tenter. Peut-être qu’elle sera une mentore horrible (sans aucun doute), mais si cela permet à quelqu’un d’autre de faire de la bijouterie ... Et il y aussi le fait qu’Hildegard espère qu’en apprenant elle-même à quelqu’un, que ce quelqu’un sera tolérant de ses propres défauts. Fall a l’air de la supporter. Et si Fall est prêt d’elle, peut-être que Bloom le sera également, qui sait ?
Dans tous les cas, ce sont des idées pour le futur.
L’Hildegard von Blingin du présent a bien des choses à faire. Comme tenté de la poterie digne d’une pouliche. Et laisser Morenne chercher des pierres, lui qui est dans son élément dans l’eau.

“ Quand tu reviendras, tu me diras ce que tu as vu ? “ demande-t-elle distraitement en se frottant le chanfrein contre le haut de son antérieur pour remettre dans le bon sens ses poils et disperser l’humidité sur son membre.
“ Peut-être qu’à ton retour, j’aurais de quoi faire des bijoux en or. “ s’amuse-t-elle. Elle espère (parce qu’Hilde veut très fortement lui faire des bijoux avec ce minéral), mais elle sait aussi que cela ne dépend pas d’elle.

“ Merci. “ murmure-t-elle en réponse, presque inaudible à ses propres oreilles et le regard restant fermement sur la berge alors qu’elle se concentre pour prendre de la terre déjà recouverte d’eau (elle ne va pas gâcher de son énergie à faire sa propre terre pleine d’eau alors qu’elle en a déjà à portée de sabot).
Alors qu’elle s’allonge, son regard se porte quelques instants sur les mouvements de l’eau signalant le déplacement de Morenne. La terre qu’elle portait grâce à sa psychokinésie tombe mollement dans l’eau suite à son manque d’attention et il lui faut quelques secondes de contemplation avant qu’elle ne reprenne la boue dans sa magie : elle a des boudins à faire !
Boudin qu’elle fusille aisément du regard : c’est collant à sa magie, à la fois très malléable et impossible à maintenir dans une forme donnée.

Hildegard garde sa queue collée contre sa croupe, incertaine soudainement.
Elle ne saurait dire d’où vient ce sentiment de malaise léger, mais elle se concentre sur ses boudins de boue qu’elle forme distraitement en tube presque informe.
Qu’importe, elle n’est pas là pour bailler aux corneilles ou faire de l’introspection, ainsi ignore-t-elle ses propres pensées pour se concentrer entièrement à sa création afin de faire quelque chose de pas trop ridicule (avec toute sa volonté infusée dans ses poteries, peut-être que le résultat ne sera pas risible ?).